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Vespres of the Blessed Virgin

2009 |2h 09min | Opera | Director, script writer, animation artist, editor Den Hook

L’expérience sur la liturgie spatiale

L’inquiétude d’aujourd’hui concerne fondamentalement l’espace. Or, malgré toutes les techniques qui l’investissent, malgré tout le réseau de savoir qui permet de le déterminer ou de le formaliser, l’espace contemporain n’est peut-être, pas encore entièrement désacralisé - à la différence sans doute du temps qui, lui, a été désacralisé au XIXe siècle. Certes, il y a bien eu une certaine désacralisation théorique de l’espace (celle à laquelle l’oeuvre de Galilée a donné le signal), mais nous n’avons peut-être pas encore accédé à une désacralisation pratique de l’espace.
Michel Foucault. Des espaces autres. Hétéropies.

Liturgie : du grec λειτουργία — «service», «cause commune».

 

Ce n’est pas accidentel que le mot “liturgie” ait été sélectionné pour signifier un type spécifique de travail sur l’espace : cela renforce le fait qu’ici, nous parlons d’une dimension sacrée de l’espace.
La dimension sacrée de l’espace implique qu’il est impossible de conceptualiser rationnellement ce que l’espace est en réalité. Même aujourd’hui, l’espace provoque l’imagination et fuit les définitions, rendant tout de même possible toutes sortes d’opérations sur le sujet.
Nous ne nous intéresserons pas ici à l’espace cosmique, mystique, atmosphérique et non-conflictuel de la terminologie bouddhiste. Notre intérêt se concentre exclusivement sur le croisement de deux significations de la dimension sacrée, celui des dimensions esthétiques et religieuses.
Il semble extrêmement intéressant précisément aujourd’hui d’élaborer un nouveau genre dans l’art contemporain – la liturgie spatiale, où l’espace lui-même serait formé et encadré par des objets ainsi que par des choix lumineux et sonores.
L’art contemporain implique un genre qui travaille de manière prédominante avec l’espace, c’est l’installation totale qui place les spectateurs à l’intérieur d’elle-même, les transformant en participants d’un certain processus, c’est-à-dire en une part d’elle-même. La liturgie spatiale diffère de ceci par le fait que sa mission ultime est de devenir une partie du spectateur lui-même, en acquérant ses frontières, sa seule et inimitable qualité au sein de sa conscience,  et en changeant cette conscience.
En se trouvant lui-même ou elle-même dans un espace spécifiquement arrangé, le spectateur est sur le point d’expérimenter une catharsis, la notion oubliée par les esthétiques contemporaines qui est née précisément au point de rencontre entre deux significations sacrées. A travers sa force et sa qualité, l’expérience esthétique n’est pas moins puissante que celle religieuse, et son influence sur les perceptions de la personne peut également être aussi puissante que celle religieuse. Nous n’évoquons aucune confession particulière (ceci étant une affaire privée de chaque individu). Nous voulons désigner l’espace intérieur, que nous trouvons en chacun de nous et qui ne s’arrête jamais de poser des questions à propos du sens de la vie et autre affaires irrationnelles. Cet espace intérieur est très sensible aux transformations de l’espace extérieur, et y répond en produisant des résonnances.
Je pense que  I believe, un projet au sein du centre d’art Vinzavod, était la première expérience de liturgie spatiale. Ni le sous-sol du bâtiment, ni la quantité ou la qualité des œuvres d’art, ni leur disposition ou la documentation vidéo ne peuvent vous faire réaliser ce que c’était. Pour en avoir une impression globale, cela impliquait nécessairement un processus de préparation avec de longues conversations à propos de la vie, de la religion et de l’art. Et la somme de ces impressions, leur quantité et leur qualité était unique et inoubliable pour chacun des participants et des spectateurs.
Rétrospectivement, on peut également considérer mes projets tels que Barrack ou On Transparency comme une expérience de liturgie spatiale, où non seulement les objets d’arts mais également le lieu de l’événement et ses vibrations ont déterminé tant l’attitude que l’expérience totale des « spectateurs ».
Les Vêpres de la Vierge,  de Monteverdi, au Théâtre du Châtelet en Janvier 2009 sera un événement de la plus haute importance dans le développement de la liturgie spatiale en tant que genre, bien entendu. C’est précisément là qu’il sera possible de tester tout l’arsenal des méthodes contemporaines utilisées dans la manipulation de l’espace avec les espaces de « culte » et de « temples », c’est-à-dire l’espace sacré, selon les deux significations du terme évoquées ci-dessus.
L’espace liturgique est possible dans tout espace. N’importe quel lieu, que ce soit une église, des pièces du sous-sol de Vinzavod ou un « barrack » construit à l’aide de peintures, contient un potentiel de sacré qui n’a pas encore été épuisé. N’importe quel espace peut devenir un espace de temple ou de culte, faisant de nous une de ses parties, changeant chaque seconde et changeant notre mentalité.
La liturgie spatiale est un rite et mystère esthétique, qui, grâce à une série successive d’émotions, brise la solitude d’une personne, l’emplit de confiance en l’espace qui l’entoure et affermit sa capacité de réveiller en lui-même la foi en l’intelligence de l’Etre, qui est actuellement très faible.  

Oleg Kulik

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